Présidentielles 2017 : Lettre de la Fraap aux candidat.e.s

La Fraap a adressé la lettre suivante candidat(e)s aux élections présidentielles

Nous publierons leur réponse dès réception.

Publié en ligne le et mis à jour le .

Madame, Monsieur,

Vous vous portez candidat-e à l’élection présidentielle et c’est à ce titre que nous souhaitons aujourd’hui vous interroger sur les ambitions que vous souhaitez porter concernant les politiques culturelles et particulièrement le secteur des arts visuels.

Le secteur des arts visuels

Les arts visuels constituent le 1er secteur de la création en France en nombre d’artistes-auteurs indépendants (presque un tiers du nombre total d’auteurs) ; en termes d’emplois et en termes de revenus générés dans l’économie française ;

Pourtant, ils sont encore considérés par les pouvoirs publics comme un secteur secondaire, loin derrière le spectacle vivant et les industries culturelles (musique, cinéma, édition, ...). La multitude et la diversité des acteurs des arts visuels constituent à la fois la force et la faiblesse de ce secteur.

Les arts visuels ne sont pas une "industrie culturelle", mais un secteur constitué d’une multitude de structures, majoritairement de petite taille, qui créent, produisent, diffusent, vendent ou exploitent commercialement les œuvres originales d’arts plastiques, graphiques, photographiques créées par les auteurs des art visuels. Les associations d’artistes sont les premiers diffuseurs d’art en France. Ce sont aussi hélas les premiers en termes de sous-financement et de coupes budgétaires.

Les acteurs atomisés et hétérogènes des arts visuels n’ont pas la capacité de lobbying des industries culturelles, ni celle du spectacle vivant, mieux organisé collectivement et plus visible médiatiquement. La faiblesse des crédits de l’État accordés à la structuration professionnelle des arts visuels et l’absence de moyens donnés à ses syndicats sont non seulement des freins conséquents au développement du secteur mais aussi la base d’une arriération sociale préjudiciable.

Ce secteur sinistré où règne la "culture de la gratuité" est le premier en termes de précarité, de sous-rémunération, de relations inéquitables, de droits d’auteurs bafoués, de déficit de régulation, de déficit de contractualisation et de déficit de répartition de la valeur à l’intérieur même du secteur (le revenu médian des auteurs des arts visuels est deux fois plus faible que celui des salariés).

Le constat est sévère :
Le non respect des droits d’auteur dans les arts visuels se poursuit sans entrave.
Le développement mondial et non régulé de l’économie numérique se fait au détriment des auteurs de « contenus », notamment les auteurs des arts visuels.
Les concours et appels d’offres imposant un travail non rémunéré aux auteurs des arts visuels se multiplient.
L’absence de contractualisation écrite entre auteurs des arts visuels et diffuseurs reste prédominante.

C’est pourquoi la FRAAP, la fédération des diffuseurs associatifs de l’économie solidaire dans le secteur des arts visuels, défend par sa charte de déontologie signée par l’ensemble de ses membres le respect des droits de chacun des acteurs de l’écosystème, artiste, salarié ou bénévole.

Les associations d’artistes, premiers acteurs de la démocratie culturelle sur les territoires

Les droits culturels sont aujourd’hui inscrits dans la loi NOTRe et dans la Loi relative à la liberté de création, au patrimoine et à l’architecture. Nous espérons que cette avancée législative majeure s’accompagnera d’un soutien plus prononcé aux acteurs premiers du développement de la démocratie culturelle sur les territoires que sont les associations d’artistes.
Dans le travail qu’elles mènent avec les habitants, elles sont en effet les premières à rendre possible l’implication de chacun-e dans la vie culturelle de la cité, en tant que public bien sûr, dans des dynamiques d’éducation artistique et culturelle mais aussi en tant qu’acteur culturel.

Cependant, la méconnaissance du tissu associatif, de son importance et inversement de sa précarité, par les institutions centrales et/ou déconcentrées met en péril les outils et les compétences que nos associations développent au service des artistes et des populations. La restructuration des financements publics depuis plusieurs années cache un retrait manifeste de l’engagement de l’État. Cette réduction, ou stagnation des crédits, provoque un étranglement des structures entraînant une réduction de la part artistique des budgets (et un appauvrissement des artistes) et par ricochet la disparition d’emplois dans les structures associatives.

Devant cet état de fait, nous attirons votre attention particulièrement sur deux points :
• Comment les artistes et leurs associations peuvent-ils continuer à inventer, à irriguer leur territoire d’implantation, à soutenir les artistes et à rencontrer les publics sans la reconnaissance par l’État de la nécessité d’une création indépendante ?
• Comment sortir d’une politique dite de « l’excellence », qui réduit chaque année le nombre d’associations, étant donné que les seuls critères retenus pour définir « l’excellence » sont le spectaculaire, la médiatisation, la performance économico-touristique ou les règles du marché de l’art ?

Depuis quinze ans, les dispositifs mis en place par l’État visent à « casser » les financements pérennes des projets ancrés sur les territoires pour s’orienter vers des actions ponctuelles non reconductibles. Cette politique purement évènementielle bascule l’art contemporain dans la logique ultralibérale du secteur marchand et instrumentalise en permanence les actions associatives et les artistes.
Nos associations refusent de devenir de simples prestataires de services culturels évalués selon la logique du retour sur investissement immédiat ou comme faire-valoir politique. Elles agissent sur un secteur non-marchand et remplissent souvent seules des missions de diffusion de l’art contemporain et de soutien aux artistes sur un grand nombre de territoires urbains, périurbains ou ruraux. Elles sont confrontées en permanence à des soutiens discontinus et non argumentés, à une absence de co-évaluation de leurs actions, à des règles disparates qui ruinent leurs efforts pour préserver ou créer des emplois, et à l’explosion du prix du foncier qui les empêche de maintenir leurs activités dans des lieux adéquats. Cependant, seule la permanence des associations d’artistes et la construction de projets dans la durée entre ces associations et les territoires peuvent être une réponse satisfaisante à la double ambition de l’exigence artistique et de l’égalité de l’accès pour tous à l’art et à la culture.

• Quelle politique initierez-vous avec le secteur associatif des arts plastiques ? Engagerez-vous les services de l’État à évaluer les actions sur des critères énoncés et partagés et à prendre l’initiative de proposer des conventions pluri-annuelles aux associations et aux collectivités territoriales ?
• A l’image du FONPEPS dont bénéficie le spectacle vivant, quelles politiques d’aide à l’emploi dans le secteur culturel non-marchand engagerez-vous ?
• De la même façon qu’une loi existe sur un taux minimum de logements sociaux dans une commune, mettrez-vous en chantier un texte de loi sur la part de locaux réservés et destinés aux associations ?

Certains que vous serez sensible à la situation des artistes plasticiens et de leurs associations, nous souhaitons de votre part des engagements clairs et précis.
Restant à votre disposition pour vous informer davantage sur la situation des associations d’artistes plasticiens, nous vous remercions par avance et vous prions d’agréer, (Madame, Monsieur), l’expression de notre haute considération.

Pascal Pesez et Joël Lécussan, Co-présidents de la Fraap

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