[Courrier] à la Ministre de la culture et au Premier Ministre : « Hausse de la CSG : Non à la baisse du pouvoir d’achat des artistes-auteurs ! », 2017

Publié en ligne le et mis à jour le .

1/ RAPPEL RELATIF AU RÉGIME SOCIAL DES ARTISTES-AUTEURS
Le régime social des artistes-auteurs est défini par les articles L. 382-1 et suivants du code de la sécurité sociale (CSS).

Il vise les « artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques » (article L.382-1 du CSS).

Le régime social des artistes-auteurs est rattaché au régime général. Ainsi les taux de cotisations sociales applicables aux artistes-auteurs sont identiques au taux appliqués aux salariés (taux de droit commun) à l’exclusion de la cotisation à la formation professionnelle (spécifique aux artistes-auteurs) et de la cotisation chômage (spécifique aux salariés). En effet, bien que socialement rattachés au régime général, les artistes-auteurs sont des travailleurs indépendants, ils n’ont donc pas droit au chômage.

La CSG et la CRDS sont des impôts assis sur les revenus et destinés à financer la Sécurité sociale. Elles font l’objet d’un prélèvement à la source par des tiers collecteurs pour le compte de la Sécurité sociale : l’employeur sur la fiche de paie, l’Assurance maladie pour les indemnités journalières, la caisse de retraite pour les pensions, la banque sur les produits de placement, la MDA-sécu et l’Agessa pour les revenus des artistes-auteurs... La CSG est l’impôt qui rapporte le plus en France.

Contrairement aux cotisations sociales, ces prélèvements sociaux, n’ouvrent pas de droits aux personnes qui y sont assujetties : les redevables ne bénéficient pas de prestation sociale en contrepartie. La CSG et la CRDS sont prélevées au même taux sur le montant des revenus salariés ou non salariés.

Toute modification des taux de droit commun (des cotisations sociales ou des prélèvements sociaux) est automatiquement applicable aux artistes-auteurs.

C’est donc le cas du taux de la CSG sur les revenus que le gouvernement a décidé de majorer de 1,7% passant de 7,50% en 2017 à 9,20% en 2018.

2/ IMPACT DE LA HAUSSE DE LA CSG

Ainsi sauf modification législative, la hausse de la CSG engendrerait une augmentation des prélèvements obligatoires sur le revenu du travail des artistes-auteurs, leur taux global passerait de 16,40% en 2017 à 17,35% en 2018. Cependant que le taux global des cotisations sociales des salariés baissera passant de 18,45% à 17% (la hausse de la CSG étant compensée par la suppression de la cotisation chômage de 2,40%).

Or à ce jour, le gouvernement n’a rien envisagé pour compenser la perte de pouvoir d’achat des artistes-auteurs qui résultera automatiquement de l’augmentation de la CSG qu’il a décidé. Le gouvernement a prévu des mesures compensatoires pour les salariés du privé, pour les fonctionnaires et pour les indépendants du RSI mais rien pour les artistes-auteurs. Les artistes-auteurs - dont les syndicats n’ont jamais été consultés - seraient donc les seuls dans la population active à subir une forte baisse de leur pouvoir d’achat.

3/ UN CHANGEMENT DE MODÈLE SOCIAL QUI NE DIT PAS SON NOM

L’augmentation de la CSG des artistes-auteurs servira à financer un droit social (l’assurance chômage) auquel il n’ont pas droit.

En effet, d’inspiration libérale anglo-saxonne (approche beveredgienne du nom de l’économiste William Beveridge), la suppression des cotisations chômage payées directement par le salarié fait disparaître le lien entre les cotisants au chômage et leurs droits. Le taux de la CSG est votée au nom de la nation, c’est un impôt. Faire financer les allocations chômage par l’impôt, c’est-à-dire par l’ensemble de la population, qui n’en bénéficie pas toujours, constitue un bouleversement majeur du régime social en France.

Au passage, on peut noter, qu’à la grande satisfaction du Medef, cette mesure élimine les syndicats de salariés de la gestion du système d’indemnisation du chômage (ils ne pourront évidemment plus négocier des cotisations sociales qui auront disparu).

Présentée comme une mesure « technique » d’augmentation du pouvoir d’achat, la suppression des cotisations chômage est une mesure éminemment politique. Ce basculement vers un système libéral beveridgien est d’autant plus inquiétant que la Grande-Bretagne adepte de ce système a le régime d’assurance chômage le moins protecteur d’Europe : les conditions sont drastiques, le montant de l’allocation unique forfaitaire est d’environ 400€ par mois et pour une durée maximale de 6 mois ...

4/ UNE RÉACTION UNANIME DES ARTISTES-AUTEURS CONTRE LA PERTE DE LEUR POUVOIR D’ACHAT

En parfaite contradiction avec les objectifs affichés (« Le travail doit mieux payer pour tous les actifs. ») et bien qu’il ait été alerté depuis plusieurs mois, le gouvernement n’a toujours pas à ce jour envisagé de mesures compensatoires à la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs. Ne les considère-t-il pas comme des « actifs » ?!?

Face à cette inertie discriminatoire et préjudiciable du gouvernement, les organisations professionnelles des artistes-auteurs ont rédigé un courrier commun au Président de la République, au Premier Ministre, aux Cabinets des ministères concernés (Culture, Santé, Finances, Comptes publics) et à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale (voir pdf en fin d’article). Par solidarité, ce courrier est co-signé par la quasi-totalité des sociétés de gestion collective d’auteurs et une partie des représentants des diffuseurs des artistes-auteurs.

Dans le cadre de cette action commune des acteurs de la création en France, on peut toutefois regretter l’attitude de la SACD qui a jugé bon de jouer la carte de la division et de faire un courrier similaire mais distinct signé des organisations professionnelles qu’elle finance. On peut également s’interroger sur l’absence de solidarité du SNE, le syndicat national des éditeurs ...

Cet article est issu dans son intégralité du site du CAAP Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs.trices, à retrouver ICI